Il y a cette solitude intérieure que rien ne semble combler.
Je la ressens depuis toujours. Elle persiste, même entourée.
Elle fait partie de moi, comme une compagne silencieuse.
Parfois, je crois m’en être séparée, et pourtant elle reste; étrangère, douloureuse, comme un vide constant, une ombre qui s’invite trop près du cœur certains jours.
Lorsqu’elle devient trop forte, je ne peux rien faire.
Je la laisse s’exprimer, me laisse porter par elle.
Je l’invite, m’abandonne à la morosité qu’elle suscite.
Et puis… ça semble passer. Jusqu’à sa prochaine visite.
Mais qu’essaie-t-elle de me dire, cette solitude ? Que défend-elle ? Que protège-t-elle, au fond ?
Je crois… je crois qu’elle me rappelle ce que je ne suis pas, ce que je refuse d’être. Ou plutôt : la façon dont je refuse d’exister.
Tu sais, comme une personne qui ne rentre complètement dans aucune case.
Être partout et nulle part à la fois.
Une frontière floue entre les mondes. Une présence qui effleure sans jamais s’ancrer. Ni ici, ni là.
Et alors, cette solitude devient presque le seul endroit où j’existe pleinement.
Parce que là, seule, je n’ai pas besoin de choisir une case, ni de me justifier.
Les formes qu’impose l’existence, celles qui enferment, qui réduisent, n’existent plus.
Il y a des êtres dont la lumière, la densité ou la profondeur dérangent, parce qu’ils ne peuvent pas, ou ne veulent pas se fragmenter pour entrer dans des regards trop étroits.
Le monde, dans sa superficialité, n’a pas toujours de place pour l’entier.
Et pourtant, moi, j’existe dans cette vérité.
Même si elle reste souvent cachée.
Je marche à la lisière, mi-libre, mi-exilée.
Il y a une ivresse dans cette liberté de ne pas appartenir…
Et, en même temps, une mélancolie profonde de n’avoir nulle part où vraiment se déposer.
Je suis d’une beauté qui refuse de faire du bruit, qui ne cherche pas à être vue.
Mon expérience ? C’est qu’elle aveugle, la plupart du temps, ceux qui en font l’expérience.
Je ne me sens pas pas toujours libre de me montrer sans filtres. Je ne connais qu’une seule personne capable de porter la vérité et l’entièreté de qui je suis.
Et dans cette reconnaissance partagée, il y a un ancrage, même fragile, même distant.
Oui, parfois, une seule personne qui vous voit vraiment suffit à tenir debout tout un monde intérieur.
Mais moi, dans tout ça…
Est-ce que j’arrive à me voir avec autant de clarté et de bienveillance que cette personne me voit ?
Oui et non…
J’aimerais pouvoir déployer mes ailes, voir jusqu’où elles s’étendent, jusqu’où elles peuvent voler.
Alors, puis-je vraiment dire que je me vois avec clarté, si même dans ma liberté, je me retiens ?
Certains me trouvent déjà trop libre.
Alors que j’ai l’impression de n’en gratter que la surface.
Une immensité que je n’ai jamais vraiment pu déployer.
Je sais bien qu’elle est là : ces ailes, cette puissance, cette liberté authentique.
Mais je sais aussi vivre dans un monde qui fronce les sourcils dès qu’il juge qu’on bat un peu trop fort des ailes.
Ce monde veut qu’on se contienne.
Il veut nous polir, nous simplifier.
Parce que notre vérité est trop brute, trop vaste, trop “hors cadre”.
Et à force d’adapter son vol à l’étroitesse du ciel des autres, on en vient à ne jamais goûter au vrai vertige du plein envol.
Mais… ce n’est pas vrai qu’on est “trop libre”.
C’est le monde qui me semble souvent trop fermé.
Trop habitué à des formes rassurantes.
Non, mon feu n’est pas un excès.
Il me rappelle ce que je pourrais être, si je m’autorisais à oser.
Et ce doute…
Je ne suis pas sûre.
Je ne sais pas.
Peut-être accepter que la solitude fasse partie du jeu.
Et ça… c’est difficile, pour une personne qui aime l’humain.
Non pas fuir la solitude, mais la reconnaître comme un témoin silencieux de sa profondeur.
Elle est là parce que je suis vaste, pas parce que je suis vide.
Elle est le prix, mais aussi la preuve d’un regard intérieur qui ne s’est jamais laissé endormir.
Et peut-être qu’en acceptant qu’elle fasse partie du jeu, je ne ressentirai plus le besoin de m’en défendre.
Je pourrai danser avec elle, même maladroitement.
Et dans cet espace, petit à petit, créer un monde qui me ressemble, même s’il ne ressemble à rien de ce qu’on attend.
J’ai une solitude intérieure que rien ne semble combler.
On y revient, comme un cercle.
Comme une vérité qui reste là, immobile, même quand on tente de la contourner.
Mais entre le premier vers et celui que j’écris à l’instant, il y a eu une révélation.
Peut-être que rien ne la comble, cette solitude…
Parce qu’elle n’est pas faite pour être comblée.
Peut-être qu’elle est là pour être tenue.
Comme on tient une vérité sacrée.
Si je pouvais lui parler, à cette solitude, là, maintenant… je lui dirais :
« Avec toi, je ne suis pas si seule, finalement. »
Tu fais écho à ce simple
« Je te vois. »
Tu es un réceptacle.
Quelqu’un qui entend.
Qui marche à côté, même brièvement,
même dans le silence entre les phrases.
Parce que parfois, ce n’est pas la présence des autres qui brise la solitude…
Mais la reconnaissance.
La reconnaissance de soi.
Comprendre que certaines solitudes ne demandent pas à être effacées,
mais à être comprises.
Accueillies.
Comme un compagnon discret,
qui nous rappelle que, dans le fond,
on n’est jamais vraiment seul
lorsqu’on choisit d’être avec soi-même.
“Reste fidèle à toi-même, le monde s’ajustera”
R-D


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